Jean-Christophe Martinenq
Dirigeant de Martinenq
Labellisé Imprim’Luxe
INTERVIEW
Martinenq ou comment se réinventer sans cesse.
Entretien avec Jean-Christophe Martinenq, dirigeant de Martinenq depuis 2010.
Imprim’Luxe : Bonjour Jean-Christophe, vous avez repris les rênes de l’entreprise en 2010. Pouvez-vous nous présenter l’évolution de l’entreprise Martinenq jusqu’à cette date ?
Jean-Christophe : L’entreprise Martinenq a été créée par mon arrière-grand-père en 1922. À l’époque, il n’était pas imprimeur mais relieur-brocheur, spécialisé dans le façonnage. Avec la Seconde Guerre mondiale, l’activité connaît des difficultés, mais est préservée. L’entreprise était alors située dans le Marais, à Paris.
Après la guerre, mon grand-père rejoint l’entreprise et prend la décision d’installer une imprimerie à la fin des années 1940. L’entreprise reste dans le Marais jusqu’en 1971, avant de déménager à Ivry-sur-Seine pour s’adapter à un modèle plus industriel. Là, elle connaît une expansion significative, passant d’une quinzaine à plus d’une centaine de salariés.
Mon père prend alors la succession de mon grand-père, qui attend mon entrée dans l’entreprise pour se retirer. En 1993, à la sortie de mes études, j’intègre l’entreprise. Mon père me confie rapidement des responsabilités, notamment la mise en place de la certification ISO 9002. Je passe alors par toutes les étapes dans l’entreprise, des achats à la fabrication, mais aussi au commerce afin d’avoir une vision globale des processus de l’entreprise Martinenq.
IL: Se réinventer, ça veut dire quoi pour vous ?
J-C : Le 1er janvier 2010, je prends officiellement la direction de Martinenq, en pleine crise des subprimes dans un contexte économique difficile. Nous avions enregistré une baisse de 35 % du chiffre d’affaires en un an, liée purement et simplement à la crise économique dans laquelle on entrait. À ce moment-là, nous ne travaillions plus tellement pour des Philips, des Alcatel, ou encore des Sagem, car ils étaient tous partis à l’Est. Nous n’avions plus vraiment de centre industriel à approvisionner sur de la brochure mode d’emploi qui était un axe fort de notre chiffre d’affaires et de notre activité jusque-là.
Nous étions déjà très tournés vers le marché de la cosmétique, de la beauté, du parfums et du luxe, mais nous commencions à percevoir une tendance lourde : la disparition progressive des notices, notamment chez les marques grand public comme L’Oréal, Nivea et Garnier.
Dès le départ, j’ai compris qu’il fallait trouver le moyen de se réinventer parce que nos marchés historiques devenaient fragiles, voire disparaissaient sur certains segments. La prise de conscience fut de réfléchir à comment infléchir les choses de manière différente.
Conscient que notre activité était menacée, j’ai pris la décision d’explorer de nouvelles opportunités. En 2010, 2 à 3% de notre activité était orientée pour la fabrication de supports pour les échantillons de cosmétiques, parfums, etc.
C’était très peu notre marché mais malgré tout un marché qui s’adressait à une clientèle qui nous connaissait bien. L’échantillon était quelque chose qui intéressait moins le marché des cartonniers car ce sont des tout petits produits, compliqués à fabriquer avec peu de valeur ajoutée. L’idée était d’aller plus loin en proposant une solution innovante : l’assemblage automatisé des échantillons sur leurs supports.
Pendant deux ans, nous avons développé une machine capable de réaliser cette opération automatiquement, apportant ainsi une valeur ajoutée unique à l’époque sur le marché. Ce positionnement nous a permis de nous imposer comme un acteur incontournable du packaging d’échantillons, qui représente aujourd’hui 60 % de notre chiffre d’affaires.
IL : Le 28 janvier dernier, Alban Pingeot, Président d’Imprim’Luxe vous a remis le trophée de l’Audace stratégique pour avoir, entre autres, osé diversifier votre activité. Comment en êtes-vous venu à ce choix de passer d’imprimeur à conditionneur de parfum ?
J-C : L’évolution du marché et les enjeux environnementaux ont continué de redessiner notre activité. Post-Covid, les priorités sont revenues autour des enjeux RSE des entreprises.
Il y a deux ans, nos clients du luxe, Chanel, Clarins, Lancôme, etc, nous annoncent que eux aussi vont d’ici deux ans arrêter de mettre des notices dans leurs packaging. Concrètement, cela signifiait qu’en deux ans, c’était 30 à 40% de notre chiffre d’affaire à compenser, à recréer. Comme la toute première fois, je me suis dis qu’il fallait essayer d’apporter une nouvelle valeur ajoutée . Les marchés de cosmétiques et de parfums, nous les connaissions bien puisque nous les pratiquions depuis longtemps.
Je me suis rendu compte que beaucoup de marques qui nous commandaient des supports pour les échantillons souhaitaient n’avoir qu’un seul interlocuteur pour commander à la fois la partie packaging de l’échantillon, l’échantillon lui-même, et l’assemblage des deux.
C’est là que nous avons identifié une nouvelle opportunité : le remplissage des échantillons et des flacons de parfum. Il n’existait pas de partenaire naturel avec qui collaborer sur ce segment, nous avons donc décidé d’intégrer cette compétence en interne.
En l’espace d’un an, nous avons aménagé une salle blanche de 500 m² au sein de notre site industriel pour effectuer le remplissage et le conditionnement des parfums et des huiles. Cette diversification nous a permis de proposer un service clé en main à nos clients, de la fabrication du packaging à l’assemblage et au remplissage des produits.
Nous avons démarré notre activité de full-service en décembre 2024 avec une première commande. Nous avons également élargi notre clientèle en ciblant les marques de niche et les nouveaux entrants sur le marché du parfum, qui ont besoin de solutions flexibles et sur mesure. Forts de ces nouveaux développements, nous avons décidé de nous ouvrir à l’international. Nous avons d’ailleurs signé notre premier client récemment, Amouage, basé à Oman.
Beaucoup de décisions ont été prises ces deux dernières années pour prendre le virage qui devait être le nôtre, car il faut l’avouer, nous sommes face à une contrainte des marchés qui disparaissent. C’est presque la complétude de ce que nous avions comme business il y a 15 ans qui a disparu dans cette même période.
Il faut donc absolument réfléchir, anticiper, s’adapter et apprendre à se mettre sur de nouveaux rails.
IL : Être membre d’Il, ça représente quoi pour vous ?
J-C : Être membre d’Imprim’Luxe, c’est avant tout adhérer à des valeurs fortes, incarnées par des hommes et des femmes passionnés. C’est aussi un espace d’échange, d’écoute et de partage, où le réseau prend tout son sens. Ces rencontres permettent d’enrichir notre vision, d’élargir nos perspectives sur nos marchés et sur le monde qui nous entoure.
C’est difficile de répondre simplement en quelques mots. Mais une chose est sûre : faire partie d’Imprim’Luxe m’a fait grandir. Mon parcours de dirigeant depuis 15 ans, ma vision du business et mes choix stratégiques ont été façonnés par ces échanges. Ils ont, sans aucun doute, contribué à faire de l’entreprise Martinenq ce qu’elle est aujourd’hui et à dessiner ce qu’elle sera demain.
Pour en savoir plus : https://www.martinenq.com/martinenq/